Wikileaks n’est pas une révolution, mais un soubresaut

Owni Che Guevara - Crédit photo en CC : Jeremyeckhart via flickr.com
Owni Che Guevara – Crédit photo en CC : Jeremyeckhart via flickr.com

Le monde ne sortira pas changé de l’avènement de Wikileaks. Sa naissance traduit plutôt un changement de la société qui a déjà eu lieu. Pas de panique, c’est un ajustement limité du rapport de forces, pas une révolution.

UNE JUSTIFICATION TRIBUTAIRE DU RESULTAT

Sur la légitimité de Wikileaks en soi, je pense qu’en définitive, seule la finalité en décidera. Certains dénoncent le procédé illégal, le recel d’information, l’action “pirate” ? Certes, comme toutes les informations « volées » par le Canard enchaîné le Washington Post et l’ensemble de la presse d’investigation dont on regrette à chaude larmes,  la disparition. Le 4e pouvoir ne se construit jamais qu’en opposition à la règle instituée par les trois autres.

Tout dépendra finalement de l’objet de ces révélations qui ont à peine commencé à s’égréner. A l’instar de la fameuse “désobéissance civique” employée aujourd’hui à toutes les sauces, la tolérance vis à vis du non respect des règles est très dépendante de la cause défendue. Ne pas respecter la loi et les principes démocratiques pour défendre la démocratie, oui. Mais dès lors que ces exceptions ne défendent aucune cause “légitime”, la justification disparaît.

Une fois encore, on ne distingue le génie de la folie qu’à l’aune du résultat. Ainsi du génial De Gaulle, passé tout près d’être jugé par l’Histoire comme un vieux fou, si son intransigeance, ses prises de risque militaires incroyables, son ambition démesurée n’avaient pas servi les intérêts de la France, in fine. Tout comme les défaites militaires ont valu à nos rois Charles VIII, Louis XII ou François 1er, le jugement historique de doux rêveurs obnubilés par le “mirage italien”. L’Histoire a toujours raison.

La pertinence des State Logs se jaugera donc à l’ampleur des scandales qui seront révélés. Et l’on peut supposer qu’à force de fouiller, des squelettes finiront bien par émerger de ces centaines de milliers de messages diplomatiques. Comme en témoignent notamment les dernières notes publiées en provenance du Vatican par exemple… D’ailleurs l’incroyable arrestation de Julian Assange pour des motifs douteux montre la nervosité des Etats, pas vraiment à l’aise avec ces potentielles révélations.

LE SYMPTÖME D’UN PROFOND DISCREDIT POLITIQUE

Selon le projet Wikileaks,  il faut raviver nos démocraties ternies dans le secret et le mensonge du pouvoir. La lumière de l’information portée à la connaissance de tous sert l’intérêt général contre l’opacité qui ne bénéficie qu’à quelques- uns. Cette démarche originale surprend par son systématisme et traduit un manque de confiance général en nos gouvernants.

Lorsque Wikileaks publie la vidéo militaire de l’hélicoptère Apache meurtrier (collateral murder), elle révèle au grand jour un scandale et joue le rôle traditionnel des médias qui démasquent les abus de pouvoir, les bavures, les tromperies de nos démocraties.

En revanche, quand l’organisation dévoile massivement les faits militaires ou politiques de la guerre d’Irak ou des messages diplomatiques américains, elle ne dénonce pas des abus en particulier mais porte un regard dubitatif sur l’ensemble des actions de nos dirigeants.

WIKILEAKS OU LA DEFIANCE A PRIORI

Wikileaks, se propose de passer au crible un flot de données pour y trouver quelque chose, ce qui témoigne sur le fond d’un changement de rapport au pouvoir : une suspicion d’emblée vis à vis de leur action globale.

Une méfiance qui n’est pas née de nulle part. Les mensonges éhontés de la première démocratie au monde vis à vis du déclenchement de la guerre d’Irak, l’usage contestable de la torture (Abu Ghraib), de zones de non-droit (Guantanamo) ont affecté profondément la confiance en nos dirigeants et nos institutions.

Et la France n’est pas en reste, comme sa politique en Algérie, en Afrique et ailleurs en témoignent depuis longtemps (lire l’éclairant “Histoire secrète de la Ve République”)

Ce mouvement de résistance d’inspiration cyber-punk ou anarchiste traduit ce discrédit du politique, ce désavoeu des méthodes immorales employées par les pays donneurs de leçon, incapables d’appliquer à eux-mêmes les principes qu’ils souhaitent imposer au monde.

LA SURVEILLANCE INVERSEE

Ce dont témoigne Wikileaks, c’est également d’un renversement de pouvoir momentané entre le chasseur et sa proie. Jusqu’ici ce sont les Etats et les grands pouvoirs économiques qui abusaient de cette observation constante des citoyens.

La surveillance des individus par la technologie est depuis longtemps pratiquée par ces mêmes Etats. Les caméras dans les villes, les fichiers génétiques, les empreintes digitales, les dossiers médicaux…

Sans parler des systèmes d’écoute secrets, d’Echelon , Frenchelon, Emeraude… et autre organisations prodigieuses telle la NSA destinées à capter, trier et enregistrer les conversations, les images transmises à l’échelle planétaire.

Pour la première fois donc, les Etats se voient appliquer cette surveillance qu’ils imposent depuis longtemps aux citoyens. Leurs cris d’orfraie contre cette transparence totalitaire apparaît bien tardif compte tenu de l’usage qu’ils en font régulièrement et pour un intérêt général bien souvent obscur.

Missiles informationnels
Missiles informationnels

DISSEMINATION DE L’ARME INFORMATIONNELLE

Les années 90 et 2000 ont consacré une nouvel ordre géopolitique caractérisé par l’éclatement des risques stratégiques pour les grandes puissances lié à la dissémination de l’arsenal militaire soviétique (notamment nucléaire) et à l’émancipation des pays autrefois sous tutelle ou sous contrôle russe.

Le traité de non prolifération nucléaire fut une réponse parmi d’autres à ce risque d’éparpillement du risque et de multiplication des sources de danger pour les Etats.

2010 sera-telle le début d’une période d’instabilité informationnelle du aux nouvelles technologies et à la décentralisation des système de contrôle ? Ou juste une petite bavure qui sera vite corrigée par la super-puissance ?

Difficile à dire, mais il semble que l’ouverture des réseaux, le cloud computing et la mise en ligne de plus en plus des données informatiques rende plus difficile qu’avant le contrôle des informations “sensibles”. Il y a peu de chances que des pirates s’infiltrent dans une bibliothèque gardée par des vigiles pour accéder aux archives secrètes. Sur un réseau même protégé par des mots de passe et du cryptage, rien n’est exclu.


NOUVEAU RAPPORT DE FORCE ?

Ne nous leurrons pas, en dépit de ces spectaculaires victoires de la guérilla Wikileaks, il n’y a pas de véritable changement dans le rapport des forces entre gouvernants et citoyens. Les premiers dominent toujours les seconds.

Ce sont les citoyens qui sont de plus en plus analysés,  fichés, traqués par les Etats, pas le contraire. Le risque de totalitarisme n’est pas du côté des citoyens, mais bien des gouvernements.

Il y a également un risque de verrouillage encore plus grand la prochaine fois. On a déjà vécu ce type de réaction médiatique après la guerre du vietnam, qui a conduit au contrôle total de l’information de guerre depuis, qu’il s’agisse de la guerre du Golfe, d’Irak ou d’Afghanistan.

Par ailleurs, une poignée d’idéalistes ne changent pas seule la société. Pour renverser vraiment le système, il faudrait le concours massif de la population. Or celle-ci s’en tamponne un peu le coquillard. Elle n’accorde finalement que très peu d’intérêt aux malversations des Etats en Afrique (c’est loin) ou aux violations des droits de l’Homme à Guantanamo (les prisonniers terroristes on s’en fout).

Actuellement, ce qui l’intéresse, c’est son pouvoir d’achat et ses conditions de vie. Normal, on ne se préoccupe pas des choses supérieures le ventre vide. Raison pour laquelle les idées révolutionnaires de 1789 sont venues des aristocrates, des bourgeois et des lettrés et non du peuple.

UNE  ALLIANCE CITOYENS-MEDIAS ?

Cependant Wikileaks est un exemple de plus de la contribution de la société civile à l’information. Après les commentaires, les blogs, l’UGC (User Generated Content)… L’organisation montre un exemple de plus de co-production de l’information.

Une maîtrise d’oeuvre toujours entre les mains de journalistes professionnels qui seuls possèdent le temps, l’expertise et les moyens économiques de vérifier, sélectionner hiérarchiser les données recueillies.

Mais une contribution ponctuelle qui peut s’avérer de temps à autre précieuse, soit dans l’accès aux sources via Wikilieaks, soit dans leur traitement. Voir l’appel à contribution du Guardian pour l’analyse des notes de frais des députés anglais. Ou la sollicitation de témoignages d’ Eco89 par rapport aux fermetures d’usines en France, entre autres appels participatifs.

Avec Wikileaks ce citoyen veut plus que participer à l’information, il veut aussi agir sur la cité. C’est une volonté politique qui court-circuite il est vrai le jeu normal de la démocratie représentative. Mais ni plus ni moins que les manifestations ou les grèves qui matérialisent une volonté d’agir en marge du processus normal de décision politique. Ces mouvements témoignent à la fois des dysfonctionnements de la démocratie de plus en plus remise en cause. Et en même temps, c’est un signe de sa vitalité et de la maturité accrue des électeurs. Ceux-ci de mieux en mieux informés contestent les abus de son propre système : ils n’acceptent plus sans rien dire les incohérences ou injustices de ses dirigeants.

Car, en dépit de la sourde complainte « on nous cache tout, on nous dit rien », nous sommes de mieux en mieux informés. Certes le journal de 20h témoigne parfois d’une ligne éditoriale émolliente, celui de 13h étant parfaitement passéiste. Les pouvoirs politiques et économiques cherchent toujours à manipuler l’opinion dans le sens de leurs intérêts. Reste que nous n’avons jamais eu autant d’outils pour contourner la propagande : nous avons Internet, la TV numérique, les réseaux sociaux… autant de moyens d’accéder à un information non officielle et surtout plus complète.

Le vrai problème est que seule en profite une minorité socialement favorisée qui a le temps, l’instruction, les moyens économiques de s’informer mieux.

L’information à deux vitesses est déjà une réalité, mais qui ne cesse de s’amplifier avec l’irruption des nouveaux médias. Et la fusion annoncée entre les deux univers n’y changera rien : la vraie révolution se fait à l’école.

Cyrille Frank

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Crédits photo en CC : Jeremyeckhart et hackdaddy viaFlickr.com

11 commentaires sur « Wikileaks n’est pas une révolution, mais un soubresaut »

  1. « l’incroyable arrestation de Julian Assange pour des motifs douteux »

    ==> si on s’en tient aux motifs invoqués, il s’agit de moyens totalement disproportionnés. Tellement disproportionnés, que j’en viens à me poser des questions périphériques sur l’exploitation qui peut être faite de cette affaire. En d’autres termes, est-on bien sûr que les Etats, Etats-Unis en tête, ne sont susceptibles en aucune manière de tirer avantage in fine de ce feuilleton qui va rester en bonne place dans l’agenda médiatique pendant plusieurs semaines. Tout de même, il est étonnant qu’une seule personne très jeune puisse sortir autant de documents dits sensibles, opération qui suppose tout de même une faille béance de sécurisation du réseau de communication !!! Il y avait déjà eu la défense aérienne véritable passoire le 11 septembre 2001 !

    1. Bonjour Pascal,

      Je ne suis pas aussi pessimiste que vous, ou alors suis-je un peu trop naïf… l’Histoire nous le dira peut-être.

      Je pense que les Etats-Unis sont plutôt très embêtés qu’autre chose par ce que nous sommes en train de découvrir au fur et à mesure. La charge anti-Wikileaks d’Obama, pourtant pas des plus réactionnaires, en dit long.

      Les fuites sont les résultat de l’ouverture des infos entre agences de renseignement US (quelque 2000 entités) qui conduit par là même l’impossibilité de les contrôler. Ouverture consécutive au 11 septembre qui avait montré l’absence de communication entre les différentes agences (NSA, CIA etc.) lesquelles auraient pu éviter le pire, si elles avaient recoupé leurs données.

      Wikileaks est donc le fruit du 11 septembre, mais la brèche va se refermer je le crains.

  2. Ou peut-être tout ceci viendra légitimer un peu plus la société du spectacle en induisant l’illusion que chacun peut faire vaciller le système, avec des secrets de polichinelles…
    Warlog : à la guerre tous les coups sont permis !
    Statelog : les diplomates sont des humains et les affaires du monde sont gérés à coups de cancans et commérages
    Tout ceci va nous apprendre beaucoup trop de choses… alors amusons nous les gueux avec notre os à ronger.
    Moi ça me fait penser aux jeux du cirques, Assange gladiateur dont chacun grâce à son pouce peut décider de sa vie ou de sa mort avec comme trame de fond la clémence du souverain.
    Un soubresaut guignolesque, autrement dit beaucoup de bruit pour pas grand chose, histoire d’asseoir un peu plus la dictature du relativisme et d’entretenir les fantasmes de conspiration… Les mens in black sont partout alors tremblons !!
    La démocratie est une chose compliquée, libre à chacun de se la coltiner mais avec ses règles fastidieuses, au jour le jour, sur le terrain…
    A coup de tollé général et d’actes de piraterie bizarres, ça ne fera qu’augmenter la méfiance généralisée… Les États-unis savent fort bien jouer avec les leviers de la peur et escomptent certainement une levée de bouclier de l’ordre moral contre ces dangereux conspirateurs… Diviser pour mieux régner, toujours la même rengaine.
    Il n’y a rien à faire plus j’observe les médias overcodés plus je reste dubitatif et sceptique.
    Un chose est sûre pour moi cependant la transparence est un jeu dont les dés sont pipés d’avance. Une société pour fonctionner à besoin de l’équivoque du langage du fonctionner, un seul nom pour désigner une seul chose doit rester du ressort exclusif de la narration, car il y a un risque de tyrannie bien plus grande comme le fascisme du perroquet d’Hakin Bey par exemple.

    1. Attens un peu Vincent, il n’y a certainement pas que des secrets de polichinelles, sinon les Etats-Unis ne remueraient pas ciel et terre pour mettre la main sur Assange et détruire son organisation.

      La méfiance existe déjà, elle n’est pas le fruit de Wikileaks mais bien des duperies, mensonges et manipulations répétées de nos chers politiques.

      Jusqu’ici ce que l’on voit, n’est pas si choquant : des comptes-rendus sur la personnalité des individus dont on sait combien elle est importante pour anticiper les décisions qu’ils prendront. Cela n’a rien de futile, cette psychologie de comptoir est tout à fait essentielle à la diplomatie, depuis Richelieu jusqu’à aujourd’hui.

      Mais il y a naturellement plus que cela… Le rôle du Vatican pour couvrir les exactions de ses prêtres pédophiles par exemple est assez intéressant. Et n’oublie pas que seuls 300 messages sur 250 000 ont été publiés !

      Je ne crois pas en la transparence totale, je ne suis pas sûr que Wikileaks soit la meilleure solution. Les risques de fermeture et de manipulation comme tu le soulignes existent. Mais, mettre la lumière ne serait-ce qu’une fois sur le grand cynisme de nos dirigeants même si inefficace, me fait plaisir et secoue un peu les faux semblants de nos démocraties prétendument immaculées.

      Reste que j’attends l’équivalent en Chine ou en Iran.

      1. Ben disons que tout ceci aurait un sens si par exemple un DSK qui pépère dans une interview TV parle tranquillou de la mise en place d’une gouvernance mondiale (sans avoir l’air de se soucier de où et comment, on nous a mis le traité de Lisbonne ) déclenchait des tollés d’indignations…

        – T »as entendu quelque chose toi ?
        – Moi non…

        Par contre dès qu’il s’agit d’ouvrir la boite de pandore là tout de suite, il y a pleins de petites énergies qui s’agitent, aveuglées par je ne sais quelle euphorie du contre-pouvoir (allez hop une petite tartine de N.Chomsky et de T. Leary histoire d’avoir l’air encore plus anglo-saxon), nouvelle démocratie et je ne sais encore quelles âneries j’ai pu encore lire à ce sujet.

        Dis ? Tu veux pas regarder ce que je te montre avec mon doigt pendant que je cache le vase que je viens de casser sous ton tapis ?

        Mes secrets de polichinelle avaient certes un fond de provocation, n’empêche que :
        – On n’y trouvera rien de pire que ce que l’on peut imaginer.
        – Ça ne les n’empêchera pas de faire passer des trucs encore plus énorme directement sous nos yeux. Voir pire ça va aider (tout comme la crise d’ailleurs) à renforcer l’idée d’une nécessité d’un grand ordre pour protéger les fonds de pension de ces vilains petits conspirateurs…

        Pfiouuuu… Je suis d’un cynisme moi en ce moment moi 😀

      2. Attention je sens que je vais faire mon lacanien et m’apprête à dire que le réel n’existe pas, ou sinon à travers le langage utilisé pour le décrire. Du coup il y aurait donc autant de réels que d’Êtres parlants 🙂

        Et c’est pour ça que c’est perpétuellement le bordel, justement parce que l’humanité ne pouvant (même pas ne voulant) pas le reconnaitre, elle se retrouve à la recherche perpétuelle de « celui qui saura », qui prononcera ces mots magiques et fédérateurs. Et le pire c’est qu’à chaque fois elle s’en trouve « Un » qui se sent le devoir de tenir le rôle.

        J’ai également de l’estime pour ceux qui explorent d’autres voies, par contre je ne souscris absolument au paradigme qui prolifère actuellement. Et je vois se profiler à l’horizon une tyrannie par trop d’ouverture qui ne serait guère plus louable que notre bonne vieille tyrannie fermée.
        C’est le prolongement de la dictature du relativisme (même que le pape a transigé sur le préservatif pour oser la sortir celle-là, sauf que du coup personne ne l’a entendue) : Être solidaire de tout, protégé dans un réseau comme dans le ventre maternel. Une société du chiffre, de la preuve, d’une vérité dont le choc s’évanouit cependant comme un orgasme, une « envie de pénal » disait aussi Philippe Murray (il faut comprendre par là envie de Pénis) jamais assouvie que l’on va chercher plus loin et encore plus loin… Alors que finalement « Tout va pour le mieux dans le pire des mondes possibles » dixit Sollers.

        Bref ne cherchons pas de nouveaux maîtres les vieux que l’on a nous emmerdent suffisamment comme ça 🙂

        1. Ah c’est assez juste cette vision du réel introuvable…
          Oui, le mythe d’une vérité cachée a la vie dure. Mais derrière Wikileaks et ses ersatz, il y a plus que cela. Il y a cette tendance au rejet de nos institutions dont il faut imputer la première responsabilité aux politiques.

          Les citoyens ont mûri quelque part, il ne sont plus aussi naïfs qu’autrefois, écoutant religieusement la grand messe du 20h. Entre temps, il y a eu des mensonges éventés, de Timisoara, la guerre du Golfe, Outreau, l’Irak, la manipulation des chiffres sur l’insécurité, Woerth/Betencourt etc.

          Une partie de la population instruite rejette la grande mascarade et emploie des moyens radicaux c’est vrai. A-t-on jamais réussi à changer les choses dans le calme et la torpeur ? Je ne soutiens pas forcément la méthode et d’ailleurs je ne voudrais pas qu’elle se généralise. Mais il y a quand même des coups de pieds au cul qui se perdent… Là j’espère bien que certains atteindront leur cible. 🙂

          1. C’est là que je sors un Sollers de ma poche : « la littérature est la continuation du politique par d’autres moyens »
            Et je l’agrémente d’un Cercas : « peut-être que seul devrait écrire celui qui ne peut pas faire autre chose » 🙂

            Sur l’écran radar, j’y suis allé de mon petit commentaire et je peux le compléter ici.
            Au delà d’un risque pour la définition philosophique de ce qu’est un individu et quelques risques physiques pour des héros dans le style d’Assange, il y aura au mieux la continuation la bipartition manichéennement orchestrée.

            A mon avis le combat à mener est toujours et encore sur le terrain de la langue. Dans un de mes textes, le narrateur dit : « (le maître) que l’on soit pour ou que l’on soit contre, le fait qu’on en parle avec ses mots suffit amplement à sa cause ».

            Je suis persuadé que l’issue est dans la subversion de la langue et non dans des attaques répétées contre quelque chose qui nous submerge de tous bords…
            Une TAZ ce n’est que cela finalement, une flashmob, un énième groupe facebook, une quantième pétition, un gogoretwitt ou la duplication de miroirs, etc. ne sont que comptages d’opinion, des formes de contestation qui ne créent pas de langage des sujets, celui-là même qui manque à la sortie de l’impasse…

  3. Oui il y a ce risque leurre de rien 🙂

    Mais il y a une grande différence entre imaginer le pire et le voir.

    Je me refuse à sombrer dans le pessimisme total, en dépit de toutes les saloperies politiques et les secrets d’Etat plus ou moins immondes dont j’ai pu avoir connaissance via mes diverses lectures.

    Je te recommanderais bien sur ce point l’excellent « Histoire secrète de la Ve République » http://www.amazon.fr/Histoire-secr%C3%A8te-R%C3%A9publique-Faligot-Guisnel/dp/2707149020, si je n’avais peur d’aggraver encore ton cynisme 🙂

    Il me faut encore des preuves plutôt que d’imaginer. je laisse à ceux qui nous dirigent le bénéfice du doute à défaut d’une confiance totale. jusqu’à preuve du contraire bien sûr.

    Il n’y a rien finalement de plus terrible pour détruire tout lien entre citoyens et politiques que cette absence d’infos qui nous conduit à imaginer le pire.
    Or nous avons besoin de représentants, il nous faut savoir sur qui compter ou pas. sans quoi c’est l’abstention, déni de démocratie et porte ouverte aux extrêmes qui eux votent plutôt deux fois qu’une.

    Certes il y aura des bouts de chiffon agités ici et là, comme l’insécurité ou « l’islamisme », il y a le risque de voir les actions « anarchistes » de Wikileaks dénoncées en faveur d’un retour à l’ordre. Mais compte tenu de leur méthode pacifiste, de l’intermédiation des journaux, je vois plus de soutien que de critiques au sein de la population. Et sans le blanc-seing de la populace, les politiques ne pourront pas vraiment sévir.

    Il y a un vrai besoin d’assainissement, de moralisation du politique, des instances dirigeantes. Je ne sais pas si Wikileaks servira à grand chose (je dirais même que je n’y crois pas), mais cela ne peut pas nuire.

    En quoi cela pourrait-il détériorer une société qui permet déjà l’invention dune « guerre préventive », de la « 4e armée du monde », des « armes de destruction massives », qui perpètre des coups d’Etat pour les ressources naturelles (cf Total en Afrique), qui commande des opérations barbouzes pour servir les intérêts des puissants ?

    J’ai en tout cas de l’estime pour ceux qui tentent, qui explorent des voies pour améliorer les choses. Par contre, il faut raison garder et ne pas s’enflammer trop vite. La brêche de « vérité » va bientôt se refermer, ouvrons bien nos mirettes.

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