Blendle, Cafeyn, ePresse… : pourquoi les kiosques numériques ne sauveront pas la presse

Cafeyn et Blendle ont annoncé leur rapprochement le 30 juillet 2020 pour créer le « champion européen » des kiosques numériques. La stratégie consiste à reproduire le modèle du streaming audio ou video pour la presse. Cela ne suffira pas à financer les journaux, tout comme le streaming audio ne finance pas la diversité des artistes.

L’un des arguments principaux des promoteurs de ces agrégateurs est la comparaison avec le secteur musical ou video.

« Dans les années 90, la très grande majorité des 20 milliards $ de chiffre d’affaire du secteur musical provenait de la vente de CD. Puis les ventes de CD se sont écroulées avec l’irruption d’Internet. Le CA est remonté aujourd’hui au même niveau qu’autrefois, grâce au développement du streaming, comme en attestent les chiffres de l’IFPI » explique Ari Assued, pdg et fondateur de Cafeyn.

Les chiffres 2019 de la fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) confirment cette tendance, de manière plus marquée encore. En 2001, l’ensemble du marché physique (vinyles, CD/DVD etc.) totalisait 97,5% des revenus musicaux.

Mais en 2001, l’invention de l’iPod et ses ersatz change radicalement la manière de consommer de la musique. A partir de là, les revenus déclinent, en raison de la concurrente gratuite des MP3 échangés sur les plateformes de Peer to Peer (ex: Napster) jusqu’en 2004.

Le streaming a bien permis de relancer la croissance des revenus

Le développement d’une offre légale (iTunes est lancé en avril 2003), couplé au durcissement de la lutte contre le piratage, n’a pas compensé l’érosion du chiffre d’affaire, mais elle a permis de « limiter la casse ».

Ce n’est qu’à partir de 2015 que l’accélération du développement du streaming permet au secteur musical de retrouver le chemin de la croissance. Il faut ajouter aussi les revenus liés aux concerts qui ont été multipliés par quatre en 20 ans. La « synchronisation » correspondant à la vente de droits musicaux pour la publicité ne représente que des revenus marginaux.

Le marché du CD dominant tout au long de la décennie 90 et au début des années 2000 a donc cédé progressivement le pas aux téléchargements numériques d’abord, puis au streaming avec les plateformes comme Spotify, Deezer ou Apple Music.

L’innovation technologique a indéniablement déplacé les usages vers d’autres modes de consommation de la musique et de la video. Ceci, grâce à l’invention de nouveaux terminaux ergonomiques (l’iPod et l’Iphone d’Apple ), combinés à l’augmentation de la bande passante, d’abord terrestre (ADSL, câble, fibre) puis aérienne : le réseau 3G puis 4G.

C’est sur la base de ce constat que les plateformes d’agrégation comme Cafeyn ou ePresse voudraient reproduire le « iTunes de la presse ».

Diversité accrue de l’offre et la consommation musicale, mais peu d’artistes en profitent

Les technologies numériques ont permis l’essor considérable de l’auto-production, grâce à la diffusion d’outils bon marché permettant de « faire de la musique ». Un nombre croissant d’amateurs, désireux ou pas de faire carrière, ont pu produire et diffuser leurs propres productions musicales, sur les plateformes en ligne ou sur les réseaux sociaux.

Le caractère quasi illimité du streaming s’est traduit par une variété consommée nettement supérieure à celle observée sur les autres modes d’accès à la musique. Le nombre de titres différents écoutés au moins cent fois au cours d’une des semaines de l’année 2016 s’est élevé à 230 000 (65 % des écoutes totales), soit quinze fois plus que pour la musique téléchargée.

Il faut donc se réjouir de l’irruption des plateformes qui ont semble-t-il favorisé la diversité culturelle. Oui, sauf que peu d’artistes peuvent vraiment en vivre. On assiste en fait à une concentration des revenus vers quelques « blockbusters ».

Etant donné la faiblesse des commission moyennes versées par les plateformes aux artistes, seuls les plus populaires à l’échelle mondiale tirent vraiment leur épingle du jeu. A la fois sur le volume des diffusions, mais aussi sur la négociation globale avec les plateformes qui ont besoin de ces « produits d’appel » pour recruter des abonnés et nourrir leur business.

En effet, les droits touchés par un artiste sur les écoutes de son morceau sont dérisoires. Selon l’Adami – l’organisme de gestion des droits des artistes-interprètes – chaque stream rapporterait en moyenne 0,001 centime, contre 80 centimes à 1 euro sur un CD vendu. Spotify verserait 0,004 euro de commission et Apple Music 0,007. Et le plus pingre, YouTube, ne verserait pour sa part que 0,0007 centime de commission par vue.

Les algorithmes des plateformes ne sont d’ailleurs pas en cause, car celles-ci favorisent plutôt la « découvrabilité » et la diversité de l’offre comme on l’a vu plus haut.

Ce phénomène de concentration de l’attention sur quelques artistes et « marques » fortes est plutôt lié au système de recommandation médiatico-industriel beaucoup plus rentable pour les maisons de disque et les diffuseurs média.

On constate une surreprésentation dans les médias des artistes déjà les plus connus, qu’il s’agisse des passages télévisés ou radiophoniques ou des campagnes publicitaires. De fait, en misant sur des artistes déjà établis, chacun limite son risque et s’assure une audience et/ou des ventes.

A qui profitent surtout les abonnements illimités ?

L’Adami a réalisé une infographie éclairante sur la répartition des revenus pour un abonnement streaming à dix euros :

👉 D’abord aux maisons de disques et producteurs qui empochent près de 46% du coût de l’abonnement (environ 4,5 euros sur 10).

👉 Aux sites de streaming. Entre 20% et 30% d’un abonnement à 9,99 euros par mois reviennent aux sites.

👉 Aux utilisateurs. Pouvoir écouter quasiment ce que l’on veut pour un abonnement modique ou quelques secondes de publicité, quelle aubaine ! Mais leur argent va plutôt dans les poches des célébrités, même si les nouveaux artistes – parfois amateurs – récupèrent quand même quelques miettes, ce qui n’aurait pas été le cas du tout à l’époque où le numérique n’existait pas.

👉 Aux artistes en dernier lieu. Ceux-ci ne touchent en moyenne que 0,46 euro sur un abonnement de 9,99 euros (moins de 5%), plus 1 euro pour les droits d’auteur (l’ensemble de tous les ayants-droits, créateurs à l’origine du morceau de musique).

Pour autant, le streaming est devenu un excellent vecteur promotionnel, en particulier pour des artistes débutants ou les indépendants. Pierre Faa du groupe Peppermoon explique bien les choses au magazine Capital :

« Lorsque tu débutes, explique-t-il, tu es obligé d’en passer par là. Cela permet de te faire connaître. Et si, par chance, l’un de tes titres est retenu dans une playlist, ou s’il est mis en avant par une plate-forme, alors les écoutes s’envolent. Mais impossible d’en vivre. Les droits touchés restent dérisoires, et cela ne signifie pas que tes albums seront écoutés. Désormais, on fonctionne seulement par titre. C’est pour cette raison que nous avons besoin aussi des ventes physiques : le CD génère du droit d’auteur, même si cela se réduit de plus en plus. Et puis, au moins, tu peux les vendre à la fin de tes concerts. Pour pouvoir vivre de la musique, le nerf de la guerre, c’est ça. Et les concerts, les festivals ! »

La polarisation des revenus des auteurs s’accentue depuis dix ans

De manière générale, tous vecteurs confondus, la concentration des revenus s’accentue depuis dix ans :

Les dix albums de tête ont vu leur poids dans le total des ventes pratiquement doubler en dix ans (13 % du volume des ventes contre 7 %), ceci, grâce au succès de vedettes françaises ou francophones tels Renaud ou Céline Dion, mais aussi de jeunes interprètes fortement médiatisés via les émissions de télé-crochet à grande audience, telle La Nouvelle Star ou The Voice. Ex : M Pokora, Kendji Girac, Christophe Mae….

La concentration des ventes est de même ampleur pour les interprètes. En 2016, les dix artistes figurant dans le top 10 totalisaient 17 % du marché en volume contre 10 % dix ans plus tôt, et les cent premiers plus de 43 % contre 34 %.

Olivier Donnat, économiste et sociologue pour le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture et auteur de l’étude, commente :

On assiste donc en réalité à une « polarisation entre la multitude des disques issus de la fourmilière des microstructures du monde numérique qui ne vendent que quelques exemplaires et la petite minorité des vedettes des hit-parades produites et distribuées par les majors, plus forte que jamais ».

Et pour la presse ? Le modèle d’affaire, calqué sur celui des plateformes musicales, soulève le même problème

Seul 1% de l’audience totale des sites d’information est actuellement abonné à un titre d’information évalue Ari Assued, le pdg de Cafeyn.

Les auteurs du rapport Reuters 2019 estiment pour leur part qu’environ 11% en moyenne des lecteurs mondiaux ont dépensé de l’argent, d’une manière ou d’une autre pour s’informer en 2019. Cela donne une idée du marché potentiel de ces kiosques, dix fois supérieur à celui qu’il est actuellement.

L’une des motivations sous-jacentes à la création des agrégateurs payants de presse, ou kiosques numériques – est de lutter contre la « fatigue de l’abonnement ». Sollicités désormais pour s’abonner à chaque service qu’il utilisent (Netflix, l’abonnement mobile, le cloud, la presse depuis le déclin du modèle publicitaire…), les utilisateurs font des arbitrages en matière d’information et choisissent un ou deux titres, pas plus.

Ceci favorise les marques médias de référence (Le Monde, Médiapart) au détriment des petits. Quand cela ne décourage pas l’abonnement tout court, face à la profusion et l’impossibilité de choisir.

Etant donné le tarif des abonnements groupés et le nombre de titres à rétribuer, on se trouve face au même problème que pour la musique ou la video : une prime aux plus gros. Et c’est pire encore, car le marché est beaucoup plus étroit, même s’il est en développement évident.

Faisons un petit calcul.

Ari Assued (pdg de Cafeyn) et Jean-Frédéric Lambert (pdg de ePresse) m’expliquent tous deux que 50 à 60% du prix de l’abonnement en moyenne est reversé aux éditeurs. Il y a 450 titres dans l’offre illimitée ePresse et Cafeyn en revendique désormais plus de 2500.

Pour le kiosque ePresse, il y a donc cinq euros par abonnement à se répartir entre 450 éditeurs. Cela représente donc 0,01 euro en moyenne par mois par abonnement généré. EPresse revendique aujourd’hui 200.000 abonnés illimités à 10 euros (plus 300.000 acheteurs de packs divers). Soit 2000 euros en moyenne par mois pour les éditeurs, plus les reversements sur les packs, avec un panier moyen à sept euros, c’est 2300 euros de plus. Donc, un total de 4300 euros/mois en moyenne. A peine de quoi payer un salaire chargé de journaliste junior.

Cafeyn revendique pour sa part 1,5 millions d’utilisateurs, dont 75% d’abonnements à dix euros pré-payés par ses partenaires distributeurs (Bouygues, Canal+, CDiscount), son modèle de commercialisation principal. Ari Assued explique aussi que la moitié du prix en moyenne de l’abonnement est reversé là encore aux éditeurs, donc cinq euros divisés par 2500, soit 0, 002 euros en moyenne par mois. Multiplié par 1.125 000, cela totalise donc un revenu de 2250 euros en moyenne par mois, par éditeur. Pas de quoi payer un seul salaire de journaliste chargé.

Et encore, nous partons de l’hypothèse haute que les FAI financent 100% du prix de l’abonnement, ce qui est peu probable vu les tarifs des abonnements Internet eux-mêmes. comme le rappelle lachaineaudio :

Mais cela permet de montrer que même en ce cas là, l’équation économique ne tient pas pour les éditeurs de presse.

Bien sûr, il s’agit là de chiffres moyens : le pourcentage redistribué à chaque éditeur dépend beaucoup du pouvoir d’attraction de chaque média, de sa valeur de marque, sa notoriété. De ce point de vue, les quotidiens, véritables « locomotives », sont avantagés explique Jean-Frédéric Lambert.

Je ne connais pas le détail des négociations menées avec chaque titre qui sont confidentielles, mais si l’on imagine que les quatre plus gros sites récupèrent plutôt 25 centimes par abonnement (dix fois plus que la moyenne), alors chacun gagnera 0,05 centimes fois le nombre d’abonnements, soit 10.000 €/mois pour les éditeurs de ePresse et 55.000 €/mois environ pour les éditeurs de Cafeyn). Des chiffres qui ne sont pas négligeables, mais représentent toujours une goutte d’eau dans le budget de ces grands médias aux effectifs de plusieurs centaines de salariés.

Et, en ce cas là, cela implique qu’il ne reste plus que 3 euros/ mois à se répartir pour tous les autres, soit 0,003 centimes par mois et par abonnement. Bref, pas de quoi fonder un modèle économique en soi. Et ce, même si on ajoute les revenus tirés des publicités sur les contenus gratuits, via l’audience certifiée par l’ACPM, étant donné la faiblesse des tarifs publicitaires (et le marasme du secteur).

L’inclusion de la presse dans un abonnement externe (ex. forfait internet) dévalorise l’information

Patrick André, ancien directeur des Messageries de Presse Lyonnaises estimait il y a un an que ces abonnements bradés détruisent la valeur des titres et du journalisme.

Pour lui, ce foisonnement lui-même à prix cassé est le contraire de l’attachement des lecteurs à une marque média, qui procède forcément d’un choix et justifie le prix qu’on y met. Je ne suis pas sûr qu’on puisse généraliser à tous les lecteurs un rapport à la presse qui me semble relever d’un choix personnel de l’auteur de ces propos. A titre personnel, j’ai certes des préférences, mais je lis aussi des titres très divers, et je suis ravi de pouvoir bénéficier d’une offre globale accessible qui me permette d’en profiter.

Il n’y a pas nécessairement d’alternative entre choix ou diversité, cela peut très bien être choix ET diversité.

Là où je rejoins Patrick André, c’est sur la question de la « gratuité » apparente de ce service. Ce qui est gratuit conduit à penser que cela n’a pas de valeur. C’est pourquoi, je suis favorable à un modèle qui puisse favoriser l’accès au plus grand nombre à l’information, mais tout en exigeant néanmoins de sa part un effort minimum. C’est exactement la même chose que pour la franchise d’un euro sur les consultations médicales. C’est un symbole nécessaire.

L’information « gratuite », proposée longtemps par les éditeurs de presse et financée par la publicité, explique aussi beaucoup la difficulté culturelle à faire machine arrière et convaincre le lecteur de payer pour s’informer.

Un complément de revenus et un outil marketing

Le principe originel de ces plateformes est d’étendre la couverture des acheteurs potentiels en leur proposant un abonnement groupé à prix modique. De toute façon, ce sont des lecteurs qui n’étaient pas prêts à payer, même si les revenus par utilisateurs sont faibles, c’est toujours mieux que rien !

L’argument est très juste, à condition de ne pas cannibaliser les ventes directes de chaque éditeur auprès des 1% d’acheteurs et gros consommateurs d’information. Ce fut l’expérience du New York Times en 2014 lorsqu’il lança son application mobile NYT Now à destination initiale des jeunes. L’offre très attractive de 40 articles par mois pour 8 dollars a surtout beaucoup converti d’abonnés plus âgés à 40$/mois.

D’où la nécessité de ne pas être trop bon ! C’est l’aspect schizophrénique de cette activité d’agrégateur, car si l’on est vraiment meilleur que l’éditeur, on lui fait de l’ombre.

C’est ce que confirme Jean Frédéric Lambert, pdg de l’agrégateur concurrent ePresse qui tâche de trouver un équilibre pour être moins complet que l’offre individuelle de chaque éditeur, en n’incluant ni le flux, ni les videos, ni la communauté de chaque média bien sûr.

Le « deal » proposé aux éditeurs est donc bien de leur proposer une sorte d’outil marketing pour toucher de nouveaux publics plus jeunes et récupérer un revenu additionnel, sans mettre en péril leur stratégie de recrutement d’abonnés en propre.

Le ciblage des messages et des offres : l’importance de l’analyse des données utilisateurs

Il est donc crucial de s’adresser à de nouveaux prospects, les « butineurs », et d’éviter de puiser dans le vivier des fidèles d’un titre. Sans quoi, au lieu de créer des revenus, on en perd finalement, malgré le nombre de nouveaux clients.

Le chef de produit de Blendle, Ayden Galey, interrogé dans un précédent article se montrait rassurant :

« Vous ne ciblez pas les mêmes, vous pouvez toucher les millenials que le journal ne parvient pas à toucher le plus souvent. 70% des abonnés de Blendle ont moins de 34 ans ! (…) Par ailleurs, si un abonné consomme exclusivement une seule et même source d’information, l’application propose un abonnement direct au journal/magazine ».

Pour Jean-Frédéric Lambert, ePresse analyse de près l’usage des lecteurs pour leur faire des recommandations adaptées (notifications, newsletter etc.), et leur proposer la bonne offre commerciale. Quelques données sont éclairantes sur les besoins des lecteurs :

👉 60% de l’usage de sa plateforme concerne la PQN et PQR. L’actualité « chaude » reste donc un moteur d’intérêt et de recrutement fort, même si la relation seule des faits n’est plus suffisante.

👉 80% des utilisateurs de ePresse sont multi-titre, seuls 20% sont proches d’une utilisation mono-titre (ex. turfistes proches d’un usage mono titre). Ceci tend à valider l’idée que ces usagers ne cannibalisent pas les abonnés potentiels de chaque titre

👉 5% sont des gros consommateurs d’actualité, jusqu’à 100 titres /mois, en majorité des professionnels : journalistes, documentalistes… Pas rentables, mais il faut compter sur leur pouvoir de prescription auprès du grand public.

👉 Tous les abonnés consultent au moins une fois un magazine people chaque mois. Voilà qui confirme ce que je crois : nous avons besoin de divertissement et de futile, et ce n’est pas sale, en dépit de l’image intelligente qu’on veut donner de soi en permanence (cf Ervin Goffman).

La qualité de l’expérience utilisateur est décisive

C’est bel et bien la qualité de l’interface et la qualité de l’algorithme de recommandation de Netflix qui expliquent son succès initial. Tout comme celui des différents produits et services Apple (à l’exception notable de iTunes qui a été une catastrophe au début).

De ce point de vue, les plateformes d’agrégation ont encore du chemin à faire, avec la contrainte évoquée ci-dessus de ne pas être trop efficace, au risque d’effrayer les éditeurs et les faire fuir. Ce que critique cet utilisateur Twitter, expert du sujet :

Encore un autre dilemme pour les agrégateurs : aujourd’hui le public assez âgé consomme surtout du pdf, qui permet de conserver l’expérience globale de lecture d’un magazine, sa hiérarchisation, son tempo. Mais c’est un usage qui ne fait que décliner, comme le rappelle Gérald Holubowicz, chef de produit numérique chez Condenast.

Tout comme la presse régionale, les agrégateurs sont donc confrontés à la nécessité de concilier deux modes d’accès aux contenus sans vraiment trancher, ce qui diminue donc d’autant l’attrait du produit auprès des nouvelles générations.

Ce que tente de faire Cafeyn sur quelques articles de son catalogue, comme le numéro de Society dédié à l’affaire Dupont de Ligonnès qui permet de basculer du pdf à la lecture verticale optimisée pour le mobile (en cliquant sur le petit éclair bleu en bas à gauche ):

Jean-Frédéric Lambert rappelle la fronde des utilisateurs vis à vis de SFR Presse quand ce dernier a voulu mettre fin aux pdf : ils ont du revenir en arrière. On ne change pas du jour au lendemain la place des rayons d’un magasin sans s’exposer à une révolution.

Le pdg d’ePresse, consent volontiers à dire qu’il y a encore beaucoup de progrès à réaliser pour améliorer l’expérience sur mobile, pour faciliter la lecture, la navigation entre les articles, proposer de l’audio, un moteur… Autant d’innovations qui réclament des investissements, ce qui pourrait être la motivation principale du rapprochement entre Cafeyn et Blendle. Créer un « champion européen », voilà qui sonne bien pour une levée de fonds. ^^

L’agrégation de contenus – quelle que soit la plateforme – ne représente pas un modèle économique en soi pour la presse. Mais c’est un vecteur marketing supplémentaire pour se faire connaître auprès d’un public plus jeune. Plus globalement, il ne semble pas y avoir de modèle d’affaire pour la pléthore de supports actuels, compte tenu de la captation des ressources publicitaires par les GAFA. Seuls les plus talentueux, pertinents, utiles aux lecteurs – et pas trop coûteux à produire – pourront survivre à cette concurrence féroce. Les aides de l’Etat, dont le récent crédit d’impôts sur les abonnements, ne suffiront pas à sauver tout le monde. Espérons que le pluralisme et la qualité de l’offre n’en souffrent pas.

Cyrille FRANK

[Consultant, formateur, conférencier] voir mon cv plus détaillé

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